Escalade du prix des carburants, analyse CGT et exigence de réponses

Publié le par ferc cgt 66


 

Répondre en urgence à l’escalade du prix des carburants

Le prix des carburants ne cesse de grimper : un super sans-plomb 95 à 1,50 le litre, voire plus dans certaines stations, un gazole de base qui se rapproche de 1,50… La situation est intenable pour une majorité des ménages, surtout les salariés condamnés à prendre leur véhicule quotidiennement, faute de moyens de transport en commun appropriés. Les retraités, les privés d’emploi sont aussi fortement touchés. La facture hebdomadaire s’alourdit de plusieurs dizaines d’euros. Cela aggrave le problème du pouvoir d’achat pour une grande partie de la population qui voit son niveau de vie baisser à cause de la faiblesse des salaires, des pensions de retraite, de l’Assedic et des minima sociaux.

Les gens en ont marre de la hausse du prix des carburants et exigent des mesures immédiates. La « solution » de Mme Lagarde proposant aux gens de rouler en vélo relève de la fantaisie. Il faut des solutions raisonnables, faisables et sérieuses. Quant aux annonces du premier ministre, en l’état elles demeurent imprécises et ne répondent pas aux attentes des salariés, des retraités, des privés d’emploi…

La hausse du prix des carburants alimente celle des autres produits. Cette spirale crée un nouveau prétexte pour le patronat pour s’opposer à la revendication juste et légitime de la hausse des salaires.

Les salariés ne sont pas dupes. L’exigence des mesures immédiates face à la flambée des prix des carburants ne doit pas mettre en sourdine la revendication de la hausse des salaires. Avant même la flambée des prix des carburants, la hausse des salaires et la faiblesse du pouvoir d’achat qui en résulte, figuraient parmi les premières préoccupations de nos concitoyens. Cette flambée des prix met en exergue de façon encore plus criante l’insuffisance des salaires.

Parallèlement, la flambée du prix du pétrole met en difficulté des pans entiers d’activité, surtout dans l’industrie, avec des conséquences graves pour les travailleurs en termes d’emploi, de salaire et de conditions de travail.

Le rôle crucial du pétrole dans les processus productifs et pour répondre aux besoins de consommation de la population montre qu’il ne faut pas le laisser au bon vouloir des marchés. Une régulation à plusieurs échelons -national, européen et mondial-, est indispensable pour empêcher les dérives spéculatives et assurer la sécurité d’approvisionnement et la transparence des prix aux bénéfices des salariés et des consommateurs.

 

D’où vient cette flambée des prix ?

Sur le long terme, le prix des matières premières, y compris celui du pétrole, est fixé en fonction des capacités d’offre et de l’évolution de la demande. S’agissant du pétrole, la croissance économique dans les parties moins développées du globe conduit à une hausse de la demande. Quant à l’offre, elle dépend du développement des technologies, permettant d’aller chercher le pétrole en profondeur, et du niveau des prix justifiant effectivement la recherche des ressources moins accessibles. En l’état actuel des connaissances scientifiques et technologiques, les ressources pétrolières seraient disponibles pour une cinquantaine d’années. Mais cette ressource n’est pas illimitée ; elle est substituable, mais elle n’est pas renouvelable.

 

Le pétrole n’est pas uniquement une source d’énergie. Il est aussi une matière première utilisée par un ensemble de secteurs (pétrochimie, plasturgie, construction mécanique, agriculture…). Ses produits dérivés jouent un rôle important pour l’activité économique prise dans l’ensemble.

 

La prise en compte de ces données doit alimenter une stratégie de long terme visant une utilisation plus efficace de cette matière première. « L’après pétrole » concerne aussi bien les pays producteurs que les pays consommateurs.

L’ensemble de ces facteurs conduit à présager une tendance à la hausse du prix du pétrole sur le long terme. Mais ces tendances structurelles n’expliquent pas la flambée récente du prix du pétrole. Il est donc important de bien distinguer les facteurs structurels et les facteurs conjoncturels.

Pour expliquer la flambée du prix du pétrole, la plupart des experts montrent du doigt les pays émergents, surtout la Chine. La forte croissance économique de ces pays entraînerait une hausse de la demande, provoquant un déséquilibre sur le marché, poussant les prix vers le haut. Ce même argument est avancé pour expliquer la flambée des prix d’autres matières premières et de produits alimentaires.

Cet argument n’est pas sans fondement. Le développement économique de ces pays entraîne une hausse de la demande émanant de ces pays pour deux raisons : d’abord pour utiliser ces matières dans les processus productifs ; ensuite, la hausse des revenus d’une partie de la population qui profite de cette croissance économique alimente une demande supplémentaire pour des matières premières et des produits alimentaires.

Toutefois, cet argument n’est pas suffisant pour expliquer la flambée récente du prix du pétrole. Cela fait des années que l’économie chinoise croît à un rythme de 10 % par an. Du côté de la demande, il n’y a donc pas de facteur particulièrement nouveau qui pourrait expliquer cette flambée des prix.

Qu’en est-il alors de l’offre. L’événement le plus important qui a eu un impact significatif sur l’offre du pétrole date de l’invasion de l’Irak par les forces américaines et leurs alliés. A la suite de cette invasion, la capacité mondiale de production et d’offre a été amputée de quelque 3 millions de barils par jour. Depuis, les pays producteurs ont compensé ce manque, sans doute dans le cadre d’une stratégie coordonnée avec la puissance américaine. Il n’y a donc pas d’événement récent qui ait impacté de façon particulièrement significative la production du pétrole.

Deux autres précisions semblent aussi nécessaires en ce qui concerne l’offre du pétrole. D’abord, le secteur, qu’il s’agisse de l’exploration, de l’extraction, du raffinage souffre d’un manque d’investissement. Ensuite, compte tenu des perspectives de long terme, certains pays producteurs semblent opter pour une nouvelle stratégie ; c’est le cas par exemple de la Russie qui ferme ses ressources aux compagnies pétrolières étrangères. Ce deuxième facteur intensifie la dimension stratégique et géopolitique du pétrole. Ces facteurs ont aussi un impact sur le marché pétrolier ; mais ils ne suffisent pas non plus pour expliquer la flambée des prix.

Le facteur qui, dans la conjoncture actuelle, semble avoir un impact particulièrement significatif est bien la spéculation. Il faut rappeler que les transactions sur ce qu’on appelle « pétrole papier » sont 36 fois plus élevées que celle portant sur le pétrole lui-même.

Depuis l’éclatement de la crise financière aux Etats-Unis (crise dite de subprimes), les capitaux financiers cherchent de nouveaux supports, de nouveaux produits financiers. D’où une forte hausse des opérations sur les contrats liés au pétrole et aux autres matières premières et de produits alimentaires (« produits dérivés »). Des banques, des fonds d’investissement, des hedge funds, voire des fonds de pension jouent un rôle particulièrement actif dans les transactions spéculatives sur le pétrole et sur d’autres matières premières et de produits alimentaires. Un nombre de plus en plus important d’experts et d’observateurs, y compris à Wall Street, évoque désormais le rôle de la spéculation dans cette flambée des prix. Dans les milieux d’affaires, la ruée de ces « investisseurs » vers le pétrole, l’uranium, le blé, le coton… est qualifié de « Wild West » de Wall Street.

 

A qui profite cette flambée des prix ?

Certainement pas aux consommateurs.

Les consommateurs, et particulièrement les salariés condamnés à prendre leur véhicule pour se rendre à leur lieu de travail, sont les premiers perdants de cette flambée des prix. Qui en profite alors ?

Ce ne sont certainement pas les travailleurs des pays producteurs. Ils sont condamnés à continuer de travailler dans des conditions difficiles ; le plus souvent ils sont privés des droits fondamentaux au travail et particulièrement du droit à la syndicalisation et à la négociation collective. De plus, le plus souvent l’usage et la redistribution de la rente pétrolière dans ces pays perturbent les équilibres économiques et conduisent à une forte inflation des prix et une baisse du pouvoir d’achat des travailleurs, avec comme conséquence une aggravation des inégalités sociales.

Qui profite donc de ces évolutions ?

1°) Les financiers, les spéculateurs, y compris les banques, les fonds d’investissement, les hedge funds et les fonds de pension ;

2°) Les dirigeants, la plupart du temps corrompus, des pays producteurs du pétrole ;

3°) Les compagnies pétrolières dont les profits explosent ;

4°) Les Etats des pays comme la France qui, en taxant les produits pétroliers, accentuent la ponction sur les consommateurs et particulièrement sur les salariés ;

5°) Enfin, les firmes multinationales qui, on ne le dit pas assez, exploitent les travailleurs des pays émergents et qui sont, avec les nouveaux capitalistes de ces pays, les principaux gagnants de la croissance de ces pays, surtout en Chine.

 

Les gesticulations du gouvernement ne sont pas à la hauteur

Face à la montée du mécontentement, et pour calmer les esprits, le gouvernement annonce trois mesures :

-         la création d’un fonds visant à atténuer les effets de la hausse du prix des carburants pour certaines catégories d’usagers ;

-         la demande d’une réduction de la TVA sur les carburants adressée à la Commission de Brucelles ;

-         une « aide directe » aux salariés, les partenaires sociaux devant s’entendre sur les conditions de son application.

La CGT n’est pas opposée à la réduction de la TVA qui est, par nature, injuste car elle ne tient pas compte de la capacité contributive des consommateurs. Evidemment, une telle mesure nécessite coordination et accord unanime des 27 pays membres. La présidence française doit être l’occasion de poser et de porter cette revendication.

Ceci posé, les mesures annoncées par le gouvernement sont contradictoires puisque, dans un contexte d’économies et de réduction du déficit budgétaire, le fonds en question doit être alimenté par de nouvelles ressources fiscales, surtout la fiscalité indirecte, donc par les contribuables et principalement par les salariés. Dans le meilleur des cas, le fonds sera doté de quelques centaines de millions d’euros déjà préemptés pour financer le plan de stabilisation des revenus des pêcheurs.

S’agissant de « l’aide directe », outre le fait que le gouvernement vise se dédouaner en reportant la responsabilité sur les « partenaires sociaux », il faut préciser que cette mesure, dont le contenu demeure imprécis, ne règlerait pas le problème des retraités et des privés d’emploi.

 

La Cgt exige des réponses immédiates et à long terme

Il est urgent de traiter le problème du pouvoir d’achat.

La CGT exige les mesures immédiates suivantes :

  1. Les augmentations de salaires doivent tenir compte de la hausse réelle du coût de la vie, donc de l’augmentation des prix du carburant et du gaz. L’état qui fixe les prix de l’électricité et du gaz doit être garant d’un juste équilibre tarifaire s’appuyant sur l’interdépendance énergétique et les équipements EDF. Dans cette perspective, la CGT demande la réouverture des négociations salariales dans les entreprises, les groupes et les branches professionnelles.
  2. La mise en place d’une aide immédiate et directe, inscrite sur la feuille de paie, permettant la prise en compte de la réalité des frais de transports domicile/travail.
  3. Révision de la fiscalité sur les produits pétroliers en harmonisant la réduction de la TVA au niveau européen, en retirant de la base de calcul de la TVA, la TIPP (partie fixe du prélèvement).
  4. Mise à contribution de ceux qui profitent de la flambée des prix (compagnies pétrolières, financiers, spéculateurs…).
  5. Un ajustement immédiat des indemnités destinées aux salariés (secteur privé/public/état) utilisant professionnellement leur véhicule et remboursés forfaitairement au km parcouru.
  6. Réouverture des négociations salariales dans les entreprises, les groupes et les branches professionnelles.

 

Les propositions avancées par la CGT doivent impérativement s’inscrire dans le cadre d’initiatives politiques indispensables telles que la mobilisation des états membres afin de mettre fin à la guerre en Irak, la participation active de la France à la conférence internationale rassemblant les pays producteurs et consommateurs et l’impulsion, par notre pays, des initiatives pour réguler les opérations portant sur les produits dérivés (alimentaires).

 

Dans l’immédiat, des initiatives politiques fortes sont aussi indispensables

-         L’impact négatif de la guerre en Irak sur le marché pétrolier est incontestable. La fin de l’invasion américaine permettrait d’accroître l’offre et d’atténuer la spéculation. Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, la France doit prendre l’initiative de mobiliser les Etats membres pour mettre fin à la guerre en Irak ;

-         La France doit aussi participer activement à la Conférence internationale rassemblant les principaux pays producteurs et consommateurs ;

-         Elle doit surtout impulser les initiatives pour réguler les opérations portant sur les « produits dérivés ».

 

La CGT propose aussi des mesures de long terme

Selon les experts, les prochaines années seront marquées par une hausse du prix du pétrole. Il est inadmissible que les coûts d’une telle évolution soient reportés sur le monde du travail.

-         A long terme, il est important d’impulser un programme national d’efficience énergétique dans le logement et les transports, seul susceptible d’abaisser structurellement les factures énergétiques. C’est le sens des conclusions de Grenelle de l’environnement, mais pour lesquelles jusqu’à présent il n’est pas dégagé les moyens de financement correspondant.

-         Il est aussi important d’accroître les efforts pour la recherche-développement, surtout en amont, et d’augmenter l’investissement pour améliorer les capacités de production notamment celles du raffinage. Cela nécessite une hausse des dépenses publiques et une plus grande implication du secteur privé.

-         L’Europe, au lieu de brandir l’étendard de la concurrence dans ce secteur, devrait travailler à la mise en œuvre d’une politique énergétique commune capable de conforter l’indépendance du continent, de réaliser les investissements nécessaires et de contenir la spéculation sur les biens énergétiques.

-         L’Europe doit aussi travailler sur des projets de coopération qui tiennent compte des besoins des pays producteurs et consommateurs du pétrole et de la nécessité de la promotion des droits sociaux dans les pays producteurs.

 

La présidence française de l’Union européenne doit être l’occasion d’impulser des initiatives dans ces directions.

Publié dans Actualité Nationale

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